Présentation du phénomène de mirage

 




1. Définition et usage

Le mot mirage relève du langage courant et le phénomène optique en jeu est la réfraction des rayons lumineux par l'atmosphère qui se décline selon divers effets en fonction de l'évolution verticale de la température. Dans leur ouvrage "Jeux de lumière, les phénomènes lumineux du ciel"1, Françoise Suagher et Jean-Paul Parisot décrivent le phénomène de mirage comme "la perception d'objets éloignés, situés au sol ou à proximité de l'horizon, sous forme d'images vacillantes, droites, quelquefois renversées, agrandies ou réduites, simples ou multiples."

Dans l'article "Phénomènes de réfraction atmosphérique terrestre"2, Luc Dettwiller se réfère à l'étymologie du terme : "Les phénomènes de mirage sont donc les cas où il se forme usuellement de multiples images d'un objet, comportant d'habitude une image droite, plus une ou plusieurs autres images dont l'une au moins est renversée, par définition — conformément à l'étymologie du mot mirage, dérivé du verbe mirer au sens de refléter (1552), et dont la première occurrence remonte à 1753 ." Ici, un mirage comporte nécessairement au moins deux images de la même source. Cette caractéristique est aussi exprimée par sa traduction en espagnol, "espejismo", qui est dérivé du mot "espejo", miroir.

La Société Américaine de Météorologie3 adopte une acception plus étendue : les mirages "sont vus normalement près de l'horizon et concernent des déplacements et distorsions d'images de moins d'un demi-degré. [...] La distinction la plus simple pour l'observateur se fait entre un mirage qui ne montre qu'une seule image et un mirage qui en montre plusieurs." Le mot est aussi utilisé en astrophysique : les "mirages gravitationnels" sont des images déformées et amplifiées d'un objet d'arrière-plan (galaxie) dont la lumière est déviée par le champ gravitationnel d'un objet d'avant-plan très massif (amas de galaxies). Les cas les plus spectaculaires concernent des images multiples.

Le dictionnaire Le Petit Robert (2002) présente le mirage comme un "phénomène optique dû à la réfraction inégale des rayons lumineux dans des couches d'air inégalement chaudes et pouvant produire l'illusion d'une nappe d'eau s'étendant à l'horizon, où se refléteraient les objets éloignés." Plus généralement, dans le langage commun "mirage" est synonyme d'illusion.

Les différences dans la définition et l'usage du mot "mirage" importent assez peu car le phénomène physique à considérer ici est la réfraction des rayons lumineux par l'atmosphère, et c'est uniquement cela qui en détermine les apparences variées.


2. Propriétés optiques

Dans l'atmosphère standard, la température diminue quand on s'élève au-dessus du sol au rythme de 6,5° par 1000 m et, comme l'indice de réfraction dépend de la température et de la pression par l'intermédiaire de la densité de l'air, l'indice de réfraction diminue quand l'altitude augmente. Mais hors de cette situation normale, le panel des cas rencontrés pour l'évolution de la température est vaste :
- la température peut décroître plus vite que 6,5° / 1000 m ;
- la température peut croître avec l'altitude, ce qui produit une couche d'inversion de son gradient qui change donc de signe ;
- la zone concernée par le changement brusque de la température peut avoir lieu au niveau du sol (ou de l'eau) ou quelques dizaines ou centaines de mètres plus haut ;
- il peut y avoir successivement plusieurs gradients de température de signes différents avec l'élévation de l'altitude.
Le gradient est la mesure de la variation d'une grandeur physique. Il peut être positif ou négatif selon que la valeur, respectivement, croît ou décroît. Une inversion du gradient de température signifie que, quand l'altitude s'élève, la température cesse de diminuer (gradient négatif) et commence à augmenter (gradient positif). À cela, il faut ajouter que le phénomène observé dépend de la position de la personne qui y assiste : selon qu'on est dans la couche au gradient perturbé, au-dessus ou au-dessous, on assistera à des effets très différents.

Concrètement, quand le sol ou l'eau est surchauffé ou, au contraire, beaucoup plus froid que la couche immédiatement supérieure, deux images peuvent apparaître : l'une en trajet direct, c'est-à-dire le trajet habituel de la lumière pour une image droite, et l'autre, inversée, sous la première si le sol est plus chaud que l'air au-dessus (on parle de mirage inférieur, image 1.1) ou au-dessus si le sol est surmonté par une couche plus chaude (mirage supérieur, image 1.2).

Des mirages plus complexes, avec éventuellement plusieurs images supplémentaires en plus de l'image droite, peuvent survenir dans des situations où les deux types de gradient de température se succèdent (composition d'images 1.3). La variété des situations possibles est grande et on peut aussi observer un étirement vertical avec une compression sans image supplémentaire (1.4). Si on est dans une situation plus proche de l'atmosphère standard, on peut néanmoins assister à des cas de réfraction intéressants avec, dans le cas du Soleil, des lambeaux de notre étoile observés au-dessus ou au-dessous du limbe en raison de variations brusques de la température sur des hauteurs plus faibles (1.5).



1.1 Mirage inférieur pour le Mont Sollube, en Espagne, vu à 98 km
(Pyrénées-Atlantiques, juillet 2022).


1.2 Mirage supérieur pour l'extrémité orientale des Pyrénées vue à 30 km
(Pyrénées-Orientales, juin 2022).


1.3 Mirage complexe au coucher du Soleil
(Pyrénées-Atlantiques, mai 2023).


1.4 Etirement et compression de la côte landaise vue à 37 km (Pyrénées-Atlantiques, décembre 2024).


1.5 Coucher du Soleil (Landes, janvier 2022).




Références :
1 : Françoise Suagher et Jean-Paul Parisot, Éditions Cêtre, 1995
2 : Luc Dettwiller, Académie des Sciences, Comptes Rendus Physique, Volume 23, Special Issue S1 (2022), p. 103-132
3 : Glossary of Meteorology, American Meteorological Society



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