Réfraction

Compression verticale





1. Présentation

Un autre effet de la réfraction s'ajoute au décalage vertical des images. Il est différentiel car l'amplitude de la déviation verticale dépend de la hauteur sur l'horizon : comme l'indice de réfraction diminue quand l'altitude augmente, le décalage vertical d'une source diminue aussi quand sa hauteur sur l'horizon augmente. Avec l'exemple du Soleil proche de l'horizon, le décalage est plus important pour son bord inférieur que pour son bord supérieur. Le Soleil paraitra donc aplati (compression verticale) car le bord inférieur est plus dévié (c'est-à-dire plus relevé) que le bord supérieur (images 1.1 à 1.4). En 1.4, trois jours séparent chaque lever de Soleil (le premier est à gauche) avec une absorption atmosphérique élevée pour les 2ème et 3ème levers. Les images ont été positionnées de façon à conserver la continuité des collines.

Les images 1.5 et 1.6 s'écartent de l'aplatissement habituellement observé avec une compression excessive pour la première et, au contraire, un étirement du bord inférieur vers le bas pour la deuxième.



1.1 Coucher du Soleil au-dessus des vagues de l'Océan Atlantique
(Pyrénées-Atlantiques, mai 2022).


1.2 Coucher du Soleil au-dessus de l'Océan Atlantique
(Pyrénées-Atlantiques, juin 2024).


1.3 Lever du Soleil (Haute-Garonne, avril 2022).

1.4 Levers du Soleil (Landes, août 2025).


1.5 Lever du Soleil au-dessus de la Mer Méditerranée
(Aude, juin 2022).


1.6 Coucher du Soleil (Haute-Garonne, octobre 2021).



Plus rare, une éclipse solaire partielle à faible hauteur sur l'horizon a permis de constater l'aplatissement du croissant solaire ; ce fut le cas le 10 mai 1994 depuis Toulouse (2.1, cf. données IMCCE). L'image 2.2 montre le cercle défini par le diamètre vertical comprimé afin de mesurer ce rayon et le rayon horizontal non comprimé (jusqu'au bord droit du Soleil) : l'aplatissement vertical est égal à 11 %.


Éclipse au coucher du Soleil, Toulouse,
10 mai 1994



2.1


2.2


2. Comparaison de la théorie et des observations

Une étude détaillée du décalage en hauteur et de l'aplatissement des disques solaire et lunaire par la réfraction est donnée dans l'article de François Mignard "Images du Soleil et de la Lune, depuis le sol ou la Station spatiale internationale"1. L'auteur examine l'évolution de la compression verticale du Soleil en fonction de sa hauteur sur l'horizon pour une observation effectuée au niveau de la mer et une autre à une altitude de 500 mètres. Le grandissement (relié à la compression) est défini comme le rapport du diamètre vertical du Soleil (modifié par la réfraction) sur son diamètre horizontal (non affecté par la réfraction et égal à 31.5'), comme indiqué dans l'image 1.2. Un grandissement inférieur à 1 signifie que l'astre est comprimé verticalement par la réfraction.

La dépendance envers l'altitude du lieu d'observation est présentée dans la figure 1. Pour une observation du Soleil à son lever ou son coucher (S), c'est-à-dire avec une ligne de visée tangente à la surface terrestre en T, l'épaisseur d'atmosphère traversée sera plus importante depuis un point élevé (épaisseur d'atmosphère e1 depuis la montagne M) que depuis le niveau de la mer (épaisseur e2 depuis T), et la compression du Soleil sera donc plus marquée.



Figure 1 : épaisseur d'atmosphère traversée selon l'altitude du point d'observation
T (au niveau de la mer) ou M (au sommet d'une montagne).

La figure 2 présente le résultat d'observations personnelles de la compression du Soleil à diverses hauteurs sur l'horizon (exprimées en minutes d'arc) effectuées à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) au niveau de l'océan. Ces observations consistent en trois vidéos réalisées à des dates différentes en juin et août 2024 et, pour réaliser les mesures, des images ont été extraites des vidéos à des intervalles d'environ 20 secondes : les résultats sont rapportés avec des couleurs distinctes pour chaque vidéo (vert, gris et bleu). Ces données sont comparées aux valeurs calculées par François Mignard dans son article (Table 1, page 398) qui sont figurées par des carrés rouges pour une observation au niveau de la mer.

L'accord est très satisfaisant entre l'échantillon constitué de vingt-deux mesures d'observation et les valeurs issues de la modélisation : les points de la modélisation sont à l'intérieur du nuage de points issus des observations. On constate bien que plus le Soleil est bas sur l'horizon (vers la gauche), plus il est comprimé avec un diamètre vertical qui diminue. L'absence de mesures d'observation à des hauteurs inférieures à 15' est due au fait que le bord inférieur du Soleil y est très près de l'horizon, et parfois étiré vers le bas. C'est ainsi que, pour la série en vert et la série en gris, le premier point en partant de la gauche montre une compression de l'image du Soleil anormalement plus faible (c'est-à-dire un rapport des diamètres plus élevé) que pour le point suivant de la même série vers la droite, en raison de l'étirement du bord inférieur vers le bas (cf. un exemple extrême dans l'image 1.6 ci-dessus).



Figure 2 : forme du Soleil au niveau de la mer.
Points verts, gris et bleus : mesures issues de trois vidéos du coucher du Soleil réalisées en juin et août 2024 ;
points rouges : modélisation de François Mignard1.


3. Asymétrie

Une conséquence plus discrète de la variation verticale de l'indice de réfraction est l'asymétrie entre la moitié supérieure du Soleil et sa moitié inférieure lorsqu'il est très bas sur l'horizon. La partie inférieure étant plus relevée, elle est donc aussi plus aplatie que la partie supérieure. L'effet peut être mesuré en calculant le rapport du rayon inférieur sur le rayon supérieur (cf. image 1.2).

Cette asymétrie est visible dans les images 1.3 et 1.5 effectuées au lever du Soleil : le rapport du rayon inférieur sur le rayon supérieur y est égal, respectivement, à 0.88 et 0.82. Ces valeurs étant inférieures à 1, la partie basse du Soleil est un peu plus aplatie que la partie haute. Une précision doit être apportée pour l'image 1.5 : le Soleil, à l'instant de la photographie, venait de s'élever au-dessus d'une couche avec inversion du gradient de température, c'est-à-dire une couche de température plus élevée que celle de la couche inférieure.

Néanmoins, l'asymétrie n'est pas toujours observable car parfois dominée par des variations plus importantes de la réfraction dans les basses couches de l'atmosphère avec un étirement vers le bas.





Références :
1 : François Mignard, Académie des Sciences, Comptes Rendus Physique, Volume 23, Special Issue S1 (2022), p. 391-414




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